Âgisme : comment les marchés de l’emploi et de l’amour invisibilisent les femmes de plus de 50 ans

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« Les fesses d’une femme qui, cette année, fêtera ses 50 ans. » Sur  Instagram, Flavie Flament dénonce le commentaire désobligeant qu’elle a reçu de la part d’un internaute. « Je lis, dans un commentaire, que je suis “méconnaissable” depuis ma prise de poids. Ça tombe bien : je ne cherche pas à être reconnue, j’aspire juste à être connue. Pour ce que je suis, depuis toujours. Pour ce que je deviens aussi », écrit-elle, en légende d’une photo de ses fesses. « Des fesses de joie ! Des fesses de vie ! Pour inviter les ignorants à se taire, mais surtout, surtout, pour vous dire de vous AIMER. »

À la fois stigmatisées et invisibilisées, les femmes de plus de 50 ans se heurtent à une double discrimination que Charlotte Montpezat appelle le « genre-âge ». Cette ancienne salariée chez Canal+ en a fait les frais à l’aube de ses 45 ans, en recevant sur son bureau une lettre de sa DRH, lui annonçant son nouveau statut de « senior » dans l’entreprise. Un coup de massue quand on sait que l’âge est l’un des premiers critères de discrimination à l’embauche, selon la Défenseure des droits

Quelques années plus tard, son mari la quittait pour une femme plus jeune et, dans le même temps, Yann Moix avouait dans les colonnes de « Marie Claire » son désintérêt pour les femmes de son âge : « Je vous dis la vérité. À 50 ans, je suis incapable d’aimer une femme de 50 ans, déclarait-il. Je trouve ça trop vieux. »   

Mais que se passe-t-il avec les femmes de plus de 50 ans ? C’est à cette question que Charlotte Montpezat, aujourd’hui psychanalyste et coach professionnelle de 57 ans, tente de répondre. Son ouvrage « Les flamboyantes », paru aux éditions Équateurs ce mercredi 12 avril, est le résultat d’une enquête auprès de femmes quinquagénaires, et une compilation de plusieurs études sur le sort qui leur est tristement réservé. À travers cet essai, l’autrice célèbre le « Nouvel âge », en se « dégageant de cette vision toujours prégnante, d’une femme de 50 ans périmée ». Rencontre. 

ELLE. « Les flamboyantes » s’ouvre sur une lettre de la direction des ressources humaines, vous informant de votre nouveau statut de « senior » dans l’entreprise, le jour de vos 45 ans. C’est ce qui vous a donné envie de publier cet ouvrage ?  

Charlotte Montpezat. Tout à fait. À 45 ans, j’avais l’impression de commencer enfin à m’accomplir dans ma vie professionnelle, à trouver ma place, et ce courrier m’a coupé le souffle. 

Si le cap des 50 ans est un problème pour tout le monde en entreprise, puisque les employeurs ont tendance à se séparer de ce qu’on appelle désormais les « seniors », pour les femmes c’est plus compliqué. Le coup de massue arrive à un moment où nous prenons notre élan, tandis que les hommes, eux, ont l’occasion de gravir les échelons plus tôt dans leur carrière. Quand on leur annonce qu’ils deviennent seniors, ils sont déjà affirmés depuis bien longtemps. 

 « Moins on se sent désirée, moins on ressent l’envie d’être désirable»

ELLE. Vous dédiez ce livre à votre fille « pour qu’elle n’ait jamais peur de vieillir ». Quels sont les stéréotypes les plus tenaces, associés aux femmes de plus de 50 ans, dans le monde du travail ?   

C.M. Nous sommes considérées comme moins modernes, pas très au fait des nouvelles tendances de la société, des nouveaux médias ou des réseaux sociaux. Or, c’est aussi le cas pour les hommes. D’autant plus que les femmes ont un lien assez fort avec la modernité, grâce à l’éducation des enfants : nous savons à quoi les jeunes s’intéressent, les expressions qu’ils utilisent. Cela nous permet d’apprendre et de rester en prise sur le monde. 

D’autre part, les femmes de plus de 50 ans coûteraient trop cher aux entreprises. Pourtant, on sait que nos salaires sont bien moins élevés que ceux des hommes. 

Enfin, le troisième stéréotype qui nous colle à la peau, c’est que nous serions, en apparence, trop vieilles. C’est une injustice absolue : on ne refuserait jamais la candidature d’un homme sous prétexte qu’il n’a plus de cheveux ! 

ELLE. Vous écrivez que « la représentation et l’employabilité des femmes sont un problème dès lors qu’elles ont plus de 45 ans ». Y a-t-il des secteurs plus touchés que d’autres ? 

C.M. C’est certainement plus le cas des métiers dans lesquels l’apparence joue un rôle, dans les domaines du marketing ou des médias, par exemple. Toutefois, cette différence existe de manière générale, même si en France, on a du mal à l’admettre. Les DRH ou les chefs d’entreprise ont beau dire que tout le monde est mis dehors à 50 ans, ce n’est pas vrai. Sans pour autant être mises à la porte, les femmes ont moins accès aux formations, et sont moins souvent promues. 

ELLE. Dans le cadre de vos recherches, vous avez rencontré plusieurs femmes quinquagénaires. Quel impact cette double discrimination que vous appelez le « genre-âge » a-t-elle sur leur santé mentale ?  

C.M. Quand vous vous faites simultanément larguer par votre mec, et mettre dehors par votre boîte, le moral n’est pas au top. Il y a un risque de cercle vicieux : moins on se sent désirée au niveau du travail ou au niveau de la séduction, moins on ressent l’envie d’être désirable.  

ELLE. Dans votre livre, vous invitez vos lecteur·ice·s à créer deux profils sur les applications de rencontres, avec un âge différent. Une femme de plus de 51 ans a-t-elle vraiment moins de chances de trouver l’amour qu’une femme de 49 ans ? 

Après son divorce, une personne que j’ai interviewée s’est inscrite sur plusieurs applications de rencontres, avec exactement la même bio et la même photo, en changeant simplement son âge. La différence était flagrante : avec le profil de 51 ans, elle a eu très peu de matchs, tandis que le profil de 49 ans lui a permis de faire de nombreuses rencontres. Depuis, elle vit une très belle histoire d’amour. 

« Dans les sociétés patriarcales, une femme est reconnue et valorisée, principalement pour sa capacité à enfanter. »

ELLE. Il y a cette idée selon laquelle les hommes deviendraient plus séduisants en vieillissant, alors que les femmes devraient toujours avoir l’air plus jeunes. D’où vient cette différence de traitement par la société ?  

C.M. Ça vient de cette idée de la péremption des femmes, à partir du moment où elles ne peuvent plus avoir d’enfants. Dans les sociétés patriarcales, une femme est reconnue et valorisée, principalement pour sa capacité à enfanter. À partir de la ménopause, elle est plus encombrante qu’autre chose, aussi bien sur le plan professionnel que sur celui de la séduction. Pourtant, la sexualité des femmes ne s’arrête pas à 50 ans ! 

ELLE. Vous évoquez ce passage du film « Elle », dans lequel Isabelle Huppert, âgée de 63 ans, dit à son amant qu’elle ne peut pas le voir parce qu’elle a ses règles. La société a-t-elle peur des femmes ménopausées ?   

C.M. Selon plusieurs féministes, la sexualité des femmes ménopausées, qui ne serait plus liée à la reproduction, mais uniquement à la possibilité d’éprouver du plaisir, peut faire peur car elle est synonyme de liberté.  

ELLE. La MILF-cougar, l’aigrie, la belle-mère… Vous énumérez tout un répertoire de stéréotypes dans votre ouvrage. La femme de plus de 50 ans devient-elle finalement visible quand il s’agit de l’incriminer ?    

C.M. En effet, les stéréotypes autour de la femme de 50 ans sont principalement négatifs. Pourtant, les choses changent et on n’a pas besoin d’être Sharon Stone pour constater que les quinquagénaires ne sont plus des vieilles femmes périmées. Grâce aux progrès de la médecine et de la société, on est en pleine forme, on travaille, on est libre : il n’y a jamais eu de raisons de nous mettre à l’écart, et encore moins aujourd’hui.  

Étant donné que la société ne sait pas comment réagir face à ce renouveau, c’est à nous de tracer notre chemin et de dire que non, nous ne sommes ni des sorcières, ni des MILF, ni des belles-mères acariâtres. Nous sommes des femmes généreuses, puissantes, modernes et actives. Il est temps d’inventer de nouveaux stéréotypes.  

ELLE. Quelles sont les solutions pour que les femmes de plus de 50 ans soient enfin traitées à la hauteur de ce qu’elles sont, au travail et dans l’intimité ?  

C.M. Premièrement, il faudrait qu’on arrive à représenter les femmes de plus de 50 ans, dans les médias notamment, et pas uniquement comme de vieilles choses à corriger avec de la chirurgie.  

D’autre part, sur le plan professionnel, il faut des mesures pour favoriser l’emploi des femmes seniors, et que les entreprises jouent le jeu également. Mais nous avons aussi notre rôle à jouer, en contrebalançant ce qui nous est reproché : essayer de cultiver notre modernité et notre ouverture d’esprit, pour adresser les défis qui nous sont donnés collectivement aujourd’hui. 

ELLE. Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux femmes pour qu’elles se libèrent de ces stéréotypes et reprennent confiance en elles ? 

C.M. Je souhaiterais m’adresser à la fois aux femmes de 50 ans et aux plus jeunes : la vie ne s’arrête pas à cet âge-là, bien au contraire ! C’est une période bénie, où l’on est en forme et l’on se connaît mieux que jamais. Alors, profitons-en pour faire des choses qu’on a envie de faire. Il ne faut surtout pas redouter cette période-là, car c’est un âge d’or. 



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