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Utilisée comme arme de guerre, dénoncée par des Ouighours rescapées des camps de travail en Chine, la stérilisation forcée est considérée comme une violation des droits de l’Homme par la Convention d’Istanbul. De ce fait, la stérilisation est strictement encadrée par la loi en France et une majorité des pays d’Europe. Une zone d’ombre reste pour autant taboue : la stérilisation forcée des femmes handicapées. Selon une enquête publiée par le « New York Times » en novembre dernier, un tiers des pays d’Europe ayant ratifié la Convention d’Istanbul « ont fait des exceptions, souvent pour les personnes que le gouvernement juge trop handicapées pour donner leur consentement ».
Une demande des responsables légaux
Privées de leurs capacités juridiques, de nombreuses femmes atteintes de handicap sont soumises aux clichés sur leur sexualité et leur capacité à devenir mères. Pour de nombreuses familles, c’est aussi la peur du viol qui parle et précipite la décision d’une ligature des trompes chez leurs filles. Une décision prise par le responsable légal puis tranchée par le juge des tutelles après consultation d’un comité d’experts mais dont le consentement de la patiente ne peut pas être vérifié (incapacité à s’exprimer ou à conscientiser l’opération et ses conséquences).
Béatrice Idiard-Chamois est sage-femme et créatrice de la consultation « gynécologie handicap », qui accompagne depuis 2015 des femmes handicapées dans leur suivi gynécologique. Elle-même atteinte d’un handicap, elle dénonce le recours à la stérilisation demandée par les proches. « C’est une demande faite par les familles mais souvent sous couvert des institutions d’accueil de personnes en situation de handicap », dévoile la professionnelle de santé. « Pour avoir sa place dans une institution (maison d’accueil spécialisée, foyer spécialisé, IME, N.D.L.R), il faut que la jeune fille ou la jeune femme soit sous contraception », indique la sage-femme. Un règlement qui se justifie par le trop grand nombre d’agressions sexuelles envers les personnes handicapées. « Par souci de simplicité, certaines familles ont directement recours à la stérilisation. » Une pratique qu’elle refuse.
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Une décision non-consentie
« En tant que sage-femme, j’ai déjà fait des mots d’excuses à des jeunes femmes auxquelles on demandait une contraception pour avoir une place dans une structure alors qu’elles n’en avaient pas besoin », raconte Béatrice Idiard-Chamois. Elle indique ne prescrire la pilule que pour des raisons médicales (règles douloureuses et endométriose notamment). « Le problème dans ce type de demande, c’est que des gynécologues attribuent la même pilule à toutes les patientes alors qu’elle doit être assignée en fonction des besoins de la femme », laissant ainsi des femmes handicapées avec un moyen de contraception non-adapté. Problème, une mauvaise contraception entraîne des effets secondaires et certaines familles jugent « plus simple » de choisir l’option irréversible.
« On ne pourra jamais savoir ce qu’une femme stérilisée de force ressent, ni même si elle comprend ce qu’il se passe »
« C’est le juge d’étude qui prend cette décision », rappelle Béatrice Idiard-Chamois : « Quand la personne est sous curatelle, il n’y a pas de soucis de compréhension du consentement. La décision est plus délicate quand la femme est sous tutelle. » Dans ce cas de figure, la patiente n’est pas en mesure d’exprimer son consentement où n’est pas consciente de ce qu’implique une stérilisation. « Selon moi, la problématique ce n’est pas que ce soit le juge et la famille qui décident pour la femme, mais plutôt ce que ressent la patiente après une telle opération », alerte la sage-femme, « on ne pourra jamais savoir ce qu’une femme stérilisée de force ressent, ni même si elle comprend ce qu’il se passe » et si cette dernière a conscience qu’elle ne pourra plus avoir d’enfants.
Dans sa carrière, Béatrice Idiard-Chamois a toujours refusé les demandes de stérilisations sur des femmes handicapées. « D’un point de vue éthique, quand nous ne pouvons pas avoir la réponse de la patiente, nous essayons de proposer une autre alternative à la famille », insiste-t-elle. L’experte se souvient pourtant d’une patiente en particulier où la stérilisation a été inévitable malgré l’opposition de la sage-femme. « Nous avions proposé la pose d’un implant contraceptif. Mais la patiente et sa mère sont revenues quelques jours plus tard car la jeune femme ne supportait pas ce dispositif », explique Béatrice Idiard-Chamois. Très inquiète pour sa fille, atteinte d’une maladie mentale profonde, la mère de cette patiente a finalement insisté pour une ligature des trompes. « On ne peut pas juger des parents qui ont peur pour leur fille, indique Béatrice Idiard-Chamois, « si je n’accepte pas la stérilisation chez mes patientes, rien n’empêche les responsables légaux d’y avoir recours chez un autre professionnel. »
Peu de vasectomies chez les hommes handicapés
Contrairement aux demandes de ligatures des trompes chez la femme, Béatrice Idiard-Chamois n’a été confrontée qu’une seule fois à une demande de vasectomie de la part d’un couple en situation de handicap. « C’est impensable de stériliser un homme dans un pays machiste », constate la sage-femme. Si les institutions insistent sur le fait que les femmes doivent bénéficier d’une contraception, les hommes handicapés eux, n’ont pas à se soumettre aux mêmes règles. « On ne propose pas de vasectomie aux hommes handicapés, car il n’y a pas de résultatin fine d’un viol contrairement à la femme qui peut tomber enceinte. Ce qui fait peur dans ces institutions, c’est le résultat du viol, pas l’acte en lui-même », avance la professionnelle de santé qui précise que les hommes handicapés sont eux aussi sujets aux agressions sexuelles.
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